L’ère des influenceurs tout-puissants touche à sa fin. Face aux dérives et aux pratiques douteuses, les autorités resserrent l’étau. Décryptage des nouvelles obligations qui bouleversent le paysage de l’influence marketing.
La transparence, maître-mot de la nouvelle réglementation
La loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux marque un tournant décisif. Désormais, les créateurs de contenu doivent jouer cartes sur table. L’indication claire et visible des partenariats commerciaux devient obligatoire. Fini les placements de produits dissimulés : chaque collaboration rémunérée doit être signalée de manière explicite.
Cette exigence de transparence s’étend à tous les aspects de l’activité des influenceurs. Les retouches photographiques doivent être mentionnées, les gains issus de jeux concours clairement indiqués. L’objectif est de permettre aux consommateurs de distinguer nettement le contenu authentique des publications sponsorisées.
Des domaines sensibles sous haute surveillance
Certains secteurs font l’objet d’une attention particulière. La promotion de produits financiers, notamment les cryptomonnaies, est désormais strictement encadrée. Les influenceurs doivent disposer de qualifications spécifiques pour aborder ces sujets complexes. La chirurgie esthétique et les compléments alimentaires sont également dans le viseur des autorités.
La publicité pour l’alcool et le tabac reste prohibée, avec des sanctions alourdies pour les contrevenants. Les influenceurs s’exposent à des amendes conséquentes et à une possible interdiction d’exercer en cas d’infraction répétée.
La protection des mineurs au cœur des préoccupations
La nouvelle législation accorde une place centrale à la protection des jeunes publics. Les influenceurs dont l’audience est majoritairement composée de mineurs sont soumis à des règles plus strictes. Ils doivent notamment s’abstenir de promouvoir certains produits jugés inappropriés pour ce public vulnérable.
Par ailleurs, l’exploitation de l’image des enfants sur les réseaux sociaux fait l’objet d’un encadrement renforcé. Les parents influenceurs doivent désormais obtenir une autorisation administrative pour mettre en scène leurs enfants dans leurs contenus. Le temps de travail et les revenus générés par cette activité sont strictement réglementés.
Vers une professionnalisation du métier d’influenceur
Ces nouvelles obligations poussent le secteur vers une professionnalisation accrue. Les influenceurs sont désormais considérés comme des professionnels à part entière, avec les responsabilités qui en découlent. Ils doivent se déclarer auprès des autorités, tenir une comptabilité rigoureuse et s’acquitter de leurs obligations fiscales et sociales.
La création d’un statut spécifique pour les influenceurs est à l’étude. Cette reconnaissance officielle s’accompagnerait de formations obligatoires sur les aspects juridiques et éthiques du métier. L’objectif est de garantir un niveau de compétence minimal pour exercer cette activité à fort impact sociétal.
Le défi de l’application extraterritoriale
L’un des principaux défis de cette nouvelle réglementation réside dans son application extraterritoriale. De nombreux influenceurs français opèrent depuis l’étranger, notamment depuis Dubaï ou d’autres paradis fiscaux. Les autorités françaises cherchent à étendre leur juridiction pour s’assurer que ces créateurs de contenu respectent les mêmes règles que leurs homologues basés en France.
Des accords de coopération internationale sont en cours de négociation pour faciliter les poursuites transfrontalières. L’objectif est de créer un cadre juridique harmonisé au niveau européen, voire mondial, pour lutter efficacement contre les dérives de l’influence marketing.
Les plateformes mises à contribution
Les réseaux sociaux et autres plateformes d’hébergement de contenu ne sont pas en reste. Ils sont désormais tenus de collaborer activement avec les autorités pour faire respecter la nouvelle réglementation. Cela implique la mise en place de systèmes de signalement efficaces et la suppression rapide des contenus illicites.
Les plateformes doivent par ailleurs développer des outils de transparence permettant aux utilisateurs d’identifier facilement les contenus sponsorisés. Certaines, comme Instagram ou TikTok, ont déjà implémenté des fonctionnalités dédiées, mais leur utilisation doit être généralisée et rendue obligatoire.
L’autorégulation, complément nécessaire à la loi
Si le cadre légal se durcit, l’autorégulation du secteur reste encouragée. Des chartes de bonne conduite et des labels éthiques émergent, portés par des associations professionnelles d’influenceurs. Ces initiatives visent à promouvoir des pratiques responsables et à restaurer la confiance des consommateurs.
La création d’un organisme de contrôle indépendant, sur le modèle de l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), est envisagée. Cette instance aurait pour mission de veiller au respect des bonnes pratiques et de sanctionner les manquements, en complément de l’action des pouvoirs publics.
Ces nouvelles obligations redessinent profondément le paysage de l’influence marketing en France. Entre encadrement strict et responsabilisation des acteurs, l’industrie est contrainte de se réinventer pour gagner en maturité et en crédibilité. Un défi de taille, mais nécessaire pour pérenniser un secteur économique désormais incontournable.