La technologie blockchain s’impose progressivement comme une innovation majeure, ayant le potentiel de révolutionner de nombreux domaines, dont celui de la propriété intellectuelle. Cet article explore les différentes applications possibles de la blockchain dans ce secteur et les perspectives qu’elle ouvre pour les titulaires de droits et les professionnels du droit.
Pourquoi la blockchain est-elle pertinente pour la propriété intellectuelle ?
La blockchain est une technologie qui permet d’enregistrer des transactions ou des informations de manière sécurisée, transparente et décentralisée. Elle repose sur un réseau d’ordinateurs (les « nœuds ») qui vérifient et valident chaque transaction avant de l’ajouter à un bloc. Chaque bloc est ensuite ajouté à une chaîne existante, formant ainsi un registre distribué.
Cette technologie présente plusieurs avantages pour la propriété intellectuelle, notamment en matière d’authentification, de traçabilité, de gestion des droits et de résolution des litiges. Elle pourrait également faciliter la coopération entre les différents acteurs du secteur (titulaires de droits, autorités nationales, avocats, etc.).
Authentification et preuve d’antériorité grâce à la blockchain
L’un des premiers usages concrets de la blockchain en matière de propriété intellectuelle concerne l’authentification des œuvres et la preuve d’antériorité. En enregistrant une œuvre ou une idée sur une blockchain, l’auteur peut obtenir une preuve horodatée de sa création, qui pourra être utilisée ultérieurement en cas de litige. Cette preuve est d’autant plus solide que la blockchain est sécurisée et infalsifiable.
Plusieurs plateformes proposent déjà ce type de service, comme Ascribe, Blockai ou CreativeChain. Elles permettent aux créateurs d’enregistrer leurs œuvres sur une blockchain et de générer un certificat d’authenticité numérique.
Traçabilité des œuvres et gestion des droits
La traçabilité des œuvres est un autre enjeu majeur pour la propriété intellectuelle. La blockchain peut faciliter le suivi des ventes, transferts ou licences accordées pour une œuvre, ainsi que le partage des revenus entre les différents ayants droit. Cela pourrait notamment s’avérer utile pour les industries du cinéma, de la musique ou du livre, où les chaînes de distribution sont souvent complexes et opaques.
Des projets tels que KodakOne, développé par Kodak en partenariat avec la start-up WENN Digital, visent à mettre en place des plateformes basées sur la blockchain pour gérer les droits d’auteur et les licences d’utilisation des images photographiques. D’autres initiatives similaires existent dans le domaine de la musique, comme Mycelia, fondé par la musicienne Imogen Heap, qui vise à créer un écosystème décentralisé pour la gestion des droits musicaux.
Résolution des litiges et coopération internationale
La blockchain pourrait également jouer un rôle dans la résolution des litiges relatifs à la propriété intellectuelle, en facilitant la preuve de l’utilisation ou de la contrefaçon d’une œuvre. Par exemple, en cas de vente illicite d’un produit contrefaisant, les informations enregistrées sur la blockchain pourraient permettre d’identifier rapidement le responsable et les intermédiaires impliqués.
Enfin, la technologie blockchain pourrait favoriser une meilleure coopération entre les différentes autorités nationales chargées de la protection des droits de propriété intellectuelle. Un registre mondial basé sur la blockchain pourrait, par exemple, faciliter l’échange d’informations et la reconnaissance mutuelle des droits et décisions judiciaires.
Dans ce contexte d’évolution technologique rapide, il est essentiel pour les avocats spécialisés en propriété intellectuelle de se familiariser avec les possibilités offertes par la blockchain et d’anticiper les défis juridiques qu’elle soulève. Les praticiens doivent également être prêts à conseiller leurs clients sur les meilleures stratégies à adopter pour protéger et valoriser leurs actifs immatériels dans ce nouvel environnement.
La blockchain offre donc un nouvel horizon prometteur pour le domaine de la propriété intellectuelle, avec des applications variées allant de l’authentification des œuvres à la gestion des droits ou encore à la résolution des litiges. Toutefois, il convient de rester prudent et d’observer attentivement l’évolution de cette technologie, afin d’en tirer parti tout en anticipant les éventuelles difficultés juridiques qu’elle pourrait engendrer.